Épitaphe à Solitude

 

 

 Ici geins-tu, gironde Solitude,
Œcuménique geôle des rieurs,
L'œil jaloux sous la grêle des rumeurs,
Et ton génie est mort ! Ô, Solitude,
Qui jamais ne trahit nulle ennemie !

Paresseuse putain aux seins blafards,
Pénitente éborgnée ! Aucune pluie,
Ni lune, ni or, ni passeur, ni bruit,
Ne caressaient ton corps ! Seuls les cafards
Piétinent désormais ce fol tombeau...

Perfide poison des feux de champagne,
Que faut-il encor ? combien de corbeaux ?
Si chaste que fut ta chagrine peau
Les becs perforent ton fragile pagne,
Rongeant ta chair et ces fèces puantes !

Mais ton œil s'ouvre ! Invincible regard
Que rien ne tempête, ni pieu, ni fiente !
Il sait les os, les viscères sanglantes,

Et la vanité de ces cils hagards !

Que lui faut-il encor ? combien de larmes ?

Mais Solitude, innocente conne
Eventrée par ces faméliques canines,

Victime des soupirs qui t'abandonnent,

Quand flétrissent tes envieuses épines,
Ici gis-tu, pourrie, parmi les ormes !

 

Guillaume Kulich

 

 Illustration graphique - Francisco de Goya - Les Vieilles ou Le Temps