Oraison pour une Chimère

 

 J'eus longtemps un coeur  pour jouir
Des ors, des âmes et des fées
,
Pâles fantasmes oubliés,
Comme Printemps brûlant soupir,

Aux capitales enjambées...

 

Je règne en livide royaume,
Sinistre sire aux étranges vers
,
Ma rime triche, suicidaire,
Turpe lettrine tel fantôme

Qui mendie l'encre de sa chair,

 

Vaine aumône, ô blanche apparition !

 

 Prose, fût-elle si pugnace,
Cruelle plume, plurielle trace,
N'est poésie ou rêve abscons
,

Ni carré d'or  brûlant de grâce,

Son coeur  hélas, n'est que poison !

 

Chaude cigüe des blancs versets,
Aucune moire de Sélène,

Songe perdu, muette peine,

Ne dévoila dans ses reflets

L'antique danse des sirènes,

 

Nulle obole, ô blême parangon !

 

Et sombre lentement en leur cercle, noyée,

Toute foi sacrifiée sur l'autel de Folie

Ondine de saison, moite mélancolie,

Si l'oraison, ma mort, si la flamme soufflée,

L'âme rugit encor  — Ordalie ! Ordalie !

 

Le sacre du chagrin, un cantique éperdu,

Si pénible refrain, cauchemar, homélie,

Epurés de vertu ! Lors chante Poésie !

Ô verbe ! ô vérité, vois mon âme pendue,

Exalte ma passion — Hallali ! Hallali !

 

Amen, ô chimérique chanson !

 

Guillaume  Kulich - 2008

 

 RUBENS - Belléphoron sur Pégase transperce la Chimère