Même sils ne sont que ceux-là…

 

 

Prends-les,

Tous ces mots secoués de leur torpeur,

Dans leur désordre

Au sommeil de leurs draps de papier,

Tour à tour rieurs, désabusés,

Amoureux, fragiles, blessés.

Prends-les,

Avec leur incertitude et leur courage,

Avec leur pitoyable attente

Et la désespérance refusée

Dont ils ne peuvent pas se défaire

Sous le front qui guide ma main.

Prends-les,

Même s’ils débordent

Et malgré l’indécence de leur sens,

Leur maladresse sans brouillon,

Leur brouillard sans issue,

Leur incontrôlable marée.

Prends-les,

Même dans la laideur

De leur perfection ratée,

Dans la dissonance et la cassure

De leur inhabituel murmure

Aux aveux sans frontière.

Prends-les,

Même s’ils boitent entre les marges,

Trébuchant de trop d’espace

En hésitant leurs verbes,

Eux, si longuement reclus

Dans la geôle insonorisée du refus.

Prends-les,

Dans l’imperfection de leur alchimie,

Sans calcul, sans fards,

Dans leur désolante nudité

Qui ne sait rien cacher,

Pas même leur sincérité.

Prends-les,

Comme un cri à bout de forces,

Qui n’en finit plus de crever le ciel

En inventant un autre ciel plus loin,

Vers une liberté sans jugement,

Ni condamnation.

Prends-les

Comme ils viennent,

Quoiqu’ils disent,

Même s’ils ne sont que ceux-là,

Pour qu’ils ne soient pas vains,

Et que j’existe encore un peu. 

 

Patricia Romanet-Faucon