REVEIL

 

 

 

 

J’ai entendu l’appel des chevaux hennissants,

Leur galop dans le soir, sous la lune dorée,

Je devine l’écume aux naseaux frémissants

Et je sais la prairie, au bord de la forêt.

Et c’est de leurs poitrails, aux ronces, déchirés,

Que s’écoule la vie, qu’elle explose et se rue,

Et je me dis-« Un signe, un seul signe et j’irai »

Car la jungle naît là, juste au bout de la rue.

Le temps est arrivé d’agir sans discuter,

De vivre à plein, enfin, sans attendre demain,

Ah j’ai assez tardé, ergoté, disputé,

Nos vies sont là ce soir, dans le creux de nos mains.

Aide-moi, aime-moi, le grand jour est venu,

Par delà ta maison et par delà la ville,

Raisonnables insensés, nous sommes devenus,

Les futurs passagers, de l’an quarante mille.

-C’est dangereux- Dis-tu- la jungle des gibbons,

Là le lion rugit et là le tigre feule-

Mais c’est vivre cela et c’est tellement bon,

Le danger, dans la nuit, bue à grands coups de gueule.

Nous créerons le monde, dans le creux d’un rocher

Et nous éviterons de faire sa conquête,

Le silex sera doux à nos pieds écorchés,

Tant ils ont méprisé le contact des moquettes.

Dans ce pays, cette maison, cette chambre,

Où mes rêves perdus commençaient à pourrir,

Où l’année n’était plus qu’un long mois de décembre,

J’ai failli attraper le mal qui fait mourir

Et je tombais en ruine, de rides et d’ennui

Mais le vent est venu par delà les taillis,

L’orage éclatant, zébrures de la nuit,

Cascades grondantes, sources vives jaillies.

C’est comme une douleur, comme un élancement,

Des torrents d’amitié dont j’aperçois la rive,

Ca s’appelle naître, ce recommencement,

Mes frères naturels, attendez-moi, j’arrive !...





Roger VIDAL