RÊVE  ET  REALITE

 

 

 

 

 

Lors, le vent se leva soudain et nous avec,

Nos fenêtres et nos yeux, s’ouvrirent en même temps

L’alizé, en passant, s’unit au vent d’autan,

Ce fut le branle bas, dans nos cœurs déjà secs,

L’appel venait du large et l’odeur du varech.



Le cri devint oiseau et ouvrit ses ailes,

Tourbillon de couleurs, nous nous sommes envolés,

La chanson, en grondant, remontait les vallées,

Le soleil naissait en torrents d’étincelles,

La terre fumait d’une brume nouvelle.



Déportés de ce temps et déposés ailleurs,

Nos têtes étaient remplies de visions mystiques,

Nos paupières gonflées d’images mythiques,

L’ailleurs, c’était l’éden, l’absolu, le meilleur,

La légende gonflait nos rêves d’orpailleurs.



Nos voiles battaient d’Espérance-Amérique,

A rêve d’absolu, continent fabuleux,

Nos vertiges Andins, à-pics du merveilleux.

Les torrents roulaient des paillettes magiques

Que nous capturions dans le piège des criques.



Notre sang bouillonnait d’indomptable alezan,

Aux torrides étés, flambait l’Arizona,

Aux terribles hivers, glaçait le Canada,

Des Incas aux Hurons, conquistadors passants,

Nos rêves intemporels, percutaient le présent.



De l’Asie Aladine, aux mille et une nuits,

Plongions dans les harems, tels superbes sultans,

Tels fakirs, repartions, sur nos tapis volants,

Laissant folles d’amour, nos femmes et d’ennui

Mais tremblantes d’espoir, étoiles dans la nuit.



Tels des Ali Baba, solennels et fervents,

Risquant, d’un seul coup, nos vies, à qui perd gagne,

Nous fendions, soudains, le roc de la montagne,

Au nom de « Sésame », s’ouvraient aux quatre vents,

Les cavernes et les cœurs et nous allions rêvant.





De l’Europe accouchée d’un grand dessein bestial,

Nous parcourions l’histoire et la géographie,

Du fond du moyen age, aux châteaux du défi,

De son Sud écrasé, sous les murs d’Escorial,

A son Nord grelottant d’un océan glacial.



Nous nous réclamions, fils de cette guerrière,

Farouches Armoriques ou vikings d’Upsal,

Depuis ses monts Oural, jusqu’à son Portugal,

Celtes, devenus le cœur d’une Bavière,

Marchands d’absolu, aux églises de pierres.



Du tranchant des montagnes, aux douceurs des vallons,

Matrice à génies, mère terre éternelle,

Nous l’aimions à mourir, cette glaise charnelle,

Pour ses dieux de légende où le passé se fond.

Là se perdit Morgane, aux brumes d’Avallon.



Mais le vent retomba, soudain et nous avec,

Nos fenêtres et nos cœurs, fermés en même temps,

L’alizé divorça avec le vent d’autan,

Cessèrent de battre, nos cœurs devenus secs,

Le mazout recouvrit la mer et le varech.


 

 

Roger VIDAL