La légende du lac
J’ai
puisé en vos sources, fées de la forêt,
Gardiennes
farouches du paradis perdu.
Souvent,
rêveur impie, je vous ai défloré
Avec
un goût de souffre et de fruit défendu.
Le
temps s’est inversé et aujourd’hui s’élèvent
Flammes
dressées aux nues, pureté de nos rêves.
Comme
aveugle espérant, je cherchais sans savoir,
A
tâtons, j’ai marché et j’ai franchi la rive
De
l’île d’Avallon, j’ai cru apercevoir,
S’élevant
vers l’azur, vos rêves à la dérive.
J’étais
nu, frissonnant et lorsque vint
Vous
étiez purs esprits qui montiez dans la nuit.
Viviane,
terre mère que le présent renie,
Prêtresse
du temple, du secret des aïeux,
Toi
si vénérée hier, matrice à génies,
Le
temps aura passé mais tremblaient, dans tes yeux,
Les
lumières éteintes des mondes vestiges
Dont
la seule mouvance m’est, aujourd’hui, vertige.
Le
vent de l’océan, soufflé par l’enchanteur,
Qui
se lève le soir, en parcourant la lande,
Le
vent de l’océan, portait dans ses senteurs,
En
nos âmes et nos cœurs, secrets de Brocéliande,
Ceux-là
qui font la vie, multiple, indéfinie
Et
par toi, j’ai touché l’étoile à l’infini
Et
de toutes mes larmes et de toutes mes forces,
J’ai
pleuré de passion, tout de lune, baigné,
Telle
une amante indigne, tu grattais l’écorce,
Douleur
aux doigts de fée sur ma plaie qui saignait
Et
toi qui tout savais, tu étais déjà sure
Qu’un
jour j’allais mourir d’une telle blessure.
Seul
j’étais enfermé au fond de ma prison
Et
il montait en moi, un total désespoir,
Soudain
une étincelle, embrasa l’horizon
Et
je la reconnus, elle s’appelait « espoir »
C’était
toi la lumière des nuits enchantées,
Tu
t’appelais Morgane et le vent le chantait,
Morgane,
nos passions d’hier et de demain,
Morgane
évanouie pour mieux nous revenir,
Les
eaux de tes ruisseaux avaient fui de mes mains
Et
mes dix doigts serrés, n’ont pu les retenir
Mais
je savais, depuis une époque lointaine,
Que
mes lèvres, un jour, trouveraient tes fontaines.
Décidé
et fervent, j’ai gravé sur les chênes,
Centenaires
vivants, de la forêt d’Arthur,
L’empreinte
qui nous lie, les maillons de nos chaînes,
Avec
le feu, l’éclair, l’épée Escalibur.
Ces
blessures à vif, jamais ne guériront,
Cicatrices
vivantes, toujours nous uniront.
Trésors
extraits de terre que nos mains ont creusée,
Destins
grandeur nature où fondent bien et mal
En
la même alchimie, en un même creuset,
Mains
tendues vers l’azur, vers la quête du graal,
Sans
doute, il sera dur et très long le chemin,
Peut-être,
il fera froid et ce n’est pas demain
Mais
je sais que jamais, plus jamais, c’est certain,
Ne
seront séparés nos rêves épanouis,
Légendes
religions, pétries d’autres destins,
Nous
n’aurons, Morgane, que brumes évanouies,
Morgane,
gardienne d’un univers défait,
Morgane
des passions, oh Morgane des fées !
Porté
par le reflux, je suis entré au fond
De
ton destin antique où le passé se fane,
Cette
nature Celte où le présent se fond,
Je
le sais maintenant, je m’y perdrai, Morgane,
Je
me perdrai, c’est sur, dans tes plaines et vallons,
Je
me perdrai Morgane, aux brumes d’Avallon.
Telle
sera ma mort et telle est ma naissance,
Toute
séparation, est abandon de soi
Mais
toute déchirure, peut être connaissance,
Rupture,
tout départ ou bien, acte de foi
Et
je n’aurai gardé, pour solder mes blessures,
Que
souvenirs partiels, que semblants d’aventures.
J’effeuillerai
ma vie, comme roses, en pétales,
Comme
meurent lumières des mondes engloutis,
Dans
une nuit sans fin, en une mer étale,
Ainsi
passent les rêves qui n’ont pas abouti.
S’il
est une étoile, cachée dans les roseaux,
Qu’elle
me montre le lieu du partage des eaux.
Dans
l’aurore embrasée, en un accord parfait,
Murmures
des nymphes ou rêves des génies,
Les
rires des lutins, les berceuses des fées,
Les
chansons des ondines, atteignent à l’infini.
Peuplades
de la nuit, petit monde malin,
Peuplades
magiques, des lacs et des sources,
Nées
de l’enchantement, du pays de Merlin,
C’est
ici que l’esprit termine sa course,
Sa
métamorphose, son accomplissement
Et
de toutes prisons, son affranchissement,
C’est
ici seulement, que le monde visible,
Aux
falaises battues, déchiquetées d’écumes,
Tisse,
dans le secret, les fils de l’invisible,
Aux
rivages perdus, modelés par les brumes,
Là,
où la mer brisée, blanchit comme névés,
C’est
là que l’autre vie, est la plus achevée.
C’est
ici, aux ressacs, aux berges éternelles,
En
ce lieu, dont les druides, ont pensé le décor,
Que
s’évade l’astral de sa prison charnelle,
Libéré,
sans retour, de l’entrave du corps.
Ainsi
débarrassé des peurs originelles,
Il
n’est plus qu’un maillon de chaîne universelle.
C’est
là que la pensée s’extrait de son hiver,
Quintessence
de l’être, atteignant au sublime,
Ici,
où s’allume l’aube de l’univers,
Que
l’esprit se transcende au dessus de l’abîme,
Accédant
aux confins d’absolue connaissance,
Il
peut signer enfin, sa seconde naissance.
Roger
Vidal 14juillet 1996
Musique : David Michael - Methow Reverie