IMAGES
Si on devait encore démontrer la terreur,
De ces camps estompés par le
temps qui éloigne,
L’ombre de Ravensbrück, jusqu’au bout de l’horreur,
Vos visages entrevus, sont là qui en témoignent.
Un train vous
ramenait, revenantes muettes,
A peine vos poignets libérés de leurs
fers,
Qui gardiez quelque part, tout au fond de vos têtes,
Sûrement à jamais, l’image de l’enfer.
Et vos bouches sans voix
au silence tragique,
Retenaient tant de mots, sous leurs lèvres fermées,
Vos bouches qui taisaient le témoignage unique,
D’un cauchemar
sans fin, qu’on ne saura jamais.
Vous aviez tout vécu, de force et de
faiblesse,
Le désespoir total, le matin d’un départ,
La torture,
la faim et la peur des SS,
Tout cela, pour toujours, inscrit dans vos
regards.
La marche en troupeau, l’insulte, l’invective,
Sous
l’œil aigu des chiens, tel vulgaire bétail
Et les sifflets stridents et
les locomotives,
Le battement des roues, aux jointures des rails.
Vous aviez tout vécu, les pieds nus dans la neige,
L’attente au
garde à vous, la prison, les barreaux,
L’interminable ronde ou
l’horrible manège,
Des femmes à genoux battues par les bourreaux.
De quel souffle intérieur étiez-vous animées
Pour survivre, en
dépit d’une espérance absente,
Quand vous sentiez planer votre mort
programmée
Lors que vous n’aviez plus le statut de vivantes ?
De
quel coin de ciel bleu et après quels orages
En ces lieux vert de gris
où vivre était souffrir
De quel coin de ciel bleu, puisiez-vous le
courage
De demeurer en vie quand vous deviez mourir ?
D’où
teniez-vous encore la force d’exister
Et celle de penser et peut-être de
croire,
Peut-être d’espérer ou bien de résister,
En voyant la
fumée monter des crématoires ?
Mais combien sont parties à la nuit
descendue ?
Ce n’est pas un détail toutes ces fins du monde.
La
bête vous a prises et peu vous a rendues,
Ce temps en gardera la
blessure profonde.
Femmes de Ravensbrück, partant ou revenant,
Que serait donc sans vous, cette page d’histoire ?
Et que
serait, pour nous, ce retour du néant,
S’il n’était pas l’image pour
garder la mémoire ?
Le film en noir et blanc de « l’éternelle France »
Quand, sur un quai de gare, vous avez débarqué,
Montre tant de
grandeur au fond de vos silences
Et la plaie insondable, en votre chair
marquée.
Roger Vidal