J'AVAIS HUIT ANS
Vingt six avril trente sept, j’ai huit ans, aujourd’hui
Je m’appelle
Paco et ma sœur, Monica,
Dehors, il fait très beau, au ciel, le soleil
luit,
On y voit des avions passer à grand fracas.
Je ne sais pas
pourquoi, les gens se sont enfuis…
…Je m’appelais Paco, j’étais de
Guernica.
Seize avril quarante trois, aujourd’hui, j’ai huit
ans,
Je m’appelle Sarah, de famille Lévy,
J’habite ce quartier
depuis, au mois, un an.
Les soldats sont venus, dans la rue où je vis,
Je ne sais pas pourquoi, tout brûle maintenant…
…Je m’appelais
Sarah, j’étais de Varsovie.
Douze mars soixante dix, j’ai huit
ans aujourd’hui,
Je m’appelle Thu Ping et mon frère est chidoï,
Mon école enterrée, reste ouverte la nuit.
La ville est toute
rouge, tout rouge est le Song Koï.
Je ne sais pas pourquoi, tout ce feu
m’éblouit….
…Je m’appelais Thu Ping et j’étais de Hanoï.
C’est en quatre vingt onze et le onze janvier,
J’ai huit
ans aujourd’hui, je m’appelle Hassad,
Dans les éclairs, la nuit, je joue
au grand sorcier
Avec ma sœur Nadia et mon copain Harpad.
Ce
soir, le Tigre est bleu et il pleut de l’acier…
…Je m’appelais Hassad et
j’étais de Bagdad.
De quatre vingt dix neuf, c’est le dix huit
avril,
J’ai huit ans aujourd’hui, je m’appelle Zangrade,
Plein
de feux d’artifice, illuminent ma ville,
Je regarde éclater, avec mes
camarades,
Ces étoiles en couleur, qu’on appelle « missiles »…
…Je m’appelais Zangrade et j’étais de Belgrade.
De
quatre vingt dix neuf, c’est le onze novembre,
Je m’appelle Olga, j’ai
huit ans aujourd’hui,
Il neige, dans la rue depuis la fin septembre.
Il n’y a plus de toit au-dessus de mon lit
Et c’est un arc-en
ciel qui éclaire ma chambre…
…Je m’appelais Olga et j’étais de Grosny.
Ils sont tous, le enfants de cette même terre,
Ils sont
de quelque part et ils ont leur histoire,
Ceux des grandes cités, de
Puteaux, de Nanterre,
Ceux d’Alger, de Taiwan ou de Côte d’Ivoire,
Ceux que tue à Gaza, Bahia, la bête immonde,
Ceux qui n’ont pas
le temps d’entrer dans un poème
Parce qu’ils meurent de faim en arrivant
au monde,
Ils sont notre reflet, ils sont d’autres nous-même.
Qu’ils soient Palestiniens ou Kurdes ou Chinois,
Qu’ils vivent à
la Havane, à Changaï, en Bohême,
Qu’ils habitent le Caire, Sydney ou
l’Illinois,
Bien qu’ils soient différents, ils sont pourtant les mêmes
Car ils sont, de naissance de TOUJOURS, de PARTOUT,
Les porteurs
potentiels des humaines valeurs,
Ah laissez-les donc vivre ! Qu’ils
soient de n’importe où,
Ils referont le monde, de toutes les couleurs.
Roger VIDAL