LES  FEUX  DE  SAINT-JEAN

 

 

 

Aux feux de Saint Jean, nous dansions à peine,

Aux feux de Saint Jean, à peine dansions,

Aux feux de Saint Jean, nous ne connaissions,

Nous ne connaissions ni soucis ni peines,

Ni peines d’amour, ni soucis d’argent,

Aux feux de Saint Jean, nous nous embrassions,

Petites flammèches et grandes passions,

C’était le bon temps, les feux de Saint Jean.



Nous nous retrouvions à la nuit profonde,

Aux flonflons des fêtes, joyeux rendez-vous,

La main dans la main, en dansant la ronde,

Nous jetions aux flammes désirs qu’on avoue.

La plus courte nuit, nous offrait le monde,

Nous offrait, en prime, rêves les plus fous.

Vous vous consumiez en langoureux spasmes,

Vous vous consumiez, gentes demoiselles,

Qui gardiez intact, sous flots de dentelles,

Le jardin secret de tous nos phantasmes.

Et nous y brûlions, à chercher la faille,

Sans en écorcher la moindre parcelle

Et nous y brûlions comme feu de paille

Sans y déflorer la moindre pucelle.

Mais toi, c’était toi, oui mademoiselle,

Je pensais : « Voila la seule qui vaille »

Nous sautions le feu, comme des gazelles,

Je serrais mes mains, autour de ta taille

Pour guider tes pas sous les étincelles.

Puis, dans la pénombre qui nous isolait,

Sous les jeunes pousses de peupliers oblongs,

Je prenais plaisir fou, à effeuiller,

Comme on sème fleurs dans un champ de blé,

Un coquelicot, dans tes cheveux blonds.

Et tu me disais des choses jolies,

Des choses infinies, comme je les crains,

Comment on se quitte, comment on s’oublie,

Sur un ton empreint de mélancolie,

Comme on se retrouve et comme on s’étreint,

Tu me faisais croire aux pires folies

Tant l’herbe était douce au creux de mes reins.



Cupidon lunaire des jeux et batailles,

Qui, l’un contre l’autre, toujours nous dressait,

S’amusait, dans l’ombre, à nous opposer

Et nous renvoyait –très vieille trouvaille-

Aux jeux des timides, effrayés d’oser

Et nos dents serraient même brin de paille,

Nous savions comment cela finissait

Et en attendant cette fin canaille,

Nos lèvres gourmandes, déjà frémissaient,

Tant nous avions soif de nous embrasser,

Tant il était vrai que jeux et batailles,

Rendaient délicieux le goût des baisers.

Ta bouche était fraîche, ton corps, parfumé,

La nuit était fée et l’espoir, demain,

Le sais-tu encore, combien on s’aimait,

Les sais-tu toujours, ces rêves d’humains

Car moi, j’ai gardé, pendant ces années,

Le cadeau vivant, comme au lendemain,

Ce souvenir tendre et jamais fané,

De tes seins si doux, au creux de mes mains.

Aux feux de Saint Jean, tant souhaitions la paix,

Que nous avons fait un bel armistice,

Pendant que, couchés dans les foins coupés,

Montaient jusqu’au ciel, nos feux d’artifices.

La nuit toute entière, nous enveloppait

Et nous célébrions les dieux du solstice,

D’avant les notions du pêché ou vice,

Tel acte de foi, nous émancipait,

De tous les vernis, de tous les factices,

Nous étions touts nus, sans nul artifice.

Nous nous racontions des histoires drôles,

Celles du meilleur et celles du pire,

Se mêlaient en nous, des joies un peu folles

Et, à l’unisson, nos éclats de rire.

Etions toi et moi, champions de l’humour,

Nos cœurs étaient purs, ils venaient d’inscrire,

Immense victoire sur le désamour,

Les indifférences ne pesaient pas lourd.

Aux feux de Saint Jean, oui, j’ose le dire,

Etions toi et moi, si vibrants d’amour,

Nos corps de quinze ans, nos corps en délire,

L’un à l’autre doux, comme du velours,

Ivres de bonheur, j’aime tant l’écrire,

Ont fait, sous la lune, jusqu’au petit jour,

De cette Saint Jean, une nuit d’amour.

 

 

Roger Vidal