Discrétion absolue

 

 

 

 

 

Sur cette photo là, tu n’as pas dix neuf ans,

Le kodak t’a saisie en des poses d’actrice,

La photo a jauni, un peu, avec le temps,

Tu débutes ta vie de jeune institutrice.

Je pense à toi maman.



Devant toi l’avenir, devant toi tes vingt ans

Tes rêves de jeunesse et tes espoirs entiers

Celui de pratiquer aussi l’enseignement

Qui sans doute est pour toi le plus beau des métiers.

Je pense a toi maman.



Plus tard, nous sommes en guerre et puis, en plein dedans,

La France de Vichy, des collaborateurs

Fait promulguer des lois et fait prêter serment

A tous les fonctionnaires, dont les instituteurs

Je pense à toi maman



Il est parmi ces lois, une contrevenant,

A l’étique justice, a toutes ses notions

Tu as du hésiter, je pense, longuement,

Ce qui était en jeu, c’était ta vocation

Je pense à toi, maman.



Et tu as décidé que le plus important,

Oser se regarder, le matin dans sa glace

T’interdisait maman, de prêter ce serment

A ces lois d’exclusion et au pouvoir en place,

Je pense à toi maman.



Et ta jeune carrière brisée totalement,

A du rester gravée au fond de ta mémoire

Tu as du y penser bien des fois et pourtant

Tu ne m’as jamais raconté ton histoire

Je pense à toi maman



Tu vivais ton passé et si discrètement,

C’est pas un pur hasard que j’ai appris ces choses

Quand tu nous en parlais, tu disais simplement :

-« J’ai enseigné deux ans puis j’ai fait autre chose »

Je n’oublierai jamais oh non jamais maman.



Roger Vidal