Au delà du rêve

  

 

Coule la vie, chaque seconde,

Et c’est le soir et l’heure passe,

De mon île, je vois le monde,

Hommes fourmis, bien à leur place.

Vivant dehors, mon apparence,

Morte mon âme en dedans,

Naufragé de l’indifférence,

Mon reflet vit en son néant.

Tournez terre, tournez manège,

Tournez les heures vanités,

Toi, le temps tu l’as pris au piège

De ta pauvre montre arrêtée.

Toi, le temps et son mécanisme,

Tu as voulu les démonter,

Jusqu’au bout, jusqu’au cataclysme,

Jusqu’après la réalité.

Toi, le temps, de ta démesure,

Tu as voulu le mesurer,

N’en demeure que la blessure,

Avec ses lèvres à suturer,

Cicatrice du souvenir,

Cautérisée au désespoir,

J’y ai laissé tous mes désirs,

J’y ai perdu tous mes espoirs.

Ce n’est pas seulement la joie,

Bien incapable de survivre,

Ou l’espérance ou la foi

Mais c’est toute l’envie de vivre.

Ils passeront les mots qui grincent,

Et les brumes et les brouillards,

Ils passeront les petits princes

Avec leur rose et leur renard,

Ils passeront les oiseaux morts

Et les nuits vides et amères,

Ils passeront les chercheurs d’or

Tous orphelins de leurs chimères.

Ils passeront les amoureux

Qui parlent sans rien nous dire,

Les vibrants des soirs langoureux,

Avec leur herbe de délire,

Ils passeront fumeurs passion,

Avec l’arc en ciel dans leurs yeux,

Le brouillard de leurs illusions,

Leur approche du merveilleux.

Ils passeront les espérants

Et leur quête de l’absolu,

Ils passeront désespérant,

De leurs problèmes irrésolus.

Ils passeront, chevaux soleil,

Adolescents en jeans de toile,

Différents et pourtant pareils,

Avec le cœur dans les étoiles.

Ils passeront comme on délivre,

Les passagers de l’impossible,

Ils passeront les errants ivres,

Avec leurs boussoles et leurs bibles,

Ils passeront les missionnaires

D’une musique du néant,

Ils passeront les visionnaires

Hallucinés aux spots déments.

Ils passeront comme on achève,

Avec leur fièvre incontrôlable,

Avec leur cœur, leur sang, leur rêve,

Avec leur âme impénétrable.

Ils passeront les enfants fous

Et leurs songes technicolors

Ils passeront et puis c’est tout,

Ils passeront avec ma mort.



Roger Vidal