Il en va des poèmes...


Il en va des poèmes comme des fleurs flétries,
on les jette au matin sans savoir qu'une graine
des corolles brisées peut s'échapper encore :
une semence enfouie et l'espérance naît ;

elle s'en va grandir dans les nids de l'esprit :
secoués par l'autan, il en tombe parfois
un hymne qui déploie, aux froissements du cœur,
des ailes qui le font s'envoler jusqu'aux nues :

Aveuglé de soleil, frangé d'écume d'or,
sur Pégase il chevauche le faîte d'une étoile
où, sarment enlacé à l'âme du poète,
aux feux de sa passion il peut se consumer.

Il en va des poèmes comme des filles vierges,
un mot leur est promesse, un geste une souffrance,
un trop pressant appel effarouche leurs rêves
angoissés de la main qui déliera leurs fièvres.

Il en va des poèmes comme des amours mortes,
mausolées de ces cœurs condamnés par l'hiver
à ressasser leur peine avant que de finir
étranglés par la hart sur le gibet du temps.

Aussi abandonnés que les feuilles d'automne,
piétinés par les foules, ils finiront sans gloire
et, n'allant au-delà de tant d'indifférence,
périront dans l'oubli sans avoir existé.

Monique Pierillas 1992