Révolte

 

Le sable est asséché, le vent met l'évantail
Aux sapins de la plage où le rocher verdoie,
Les galets sont des pains aux reflets de corail

Quand la vague traitresse a des désirs de proie
Le chalutier se meurt en s'ouvrant le poitrail,
Pressé par la machine où le labeur se broie.

La plaine de varech est un heureux bercail
Pour la mouette platine où sa patte se noie
Laissant couler le ru qui deviendra son mail.

Le brouillard de l'aurore enveloppe sa soie
D'encre de chine noire et son épouvantail
Est une guillotine où le navire ploie.

Le matin anxieux qui tient le gouvernail
Dans la nuit vengeresse est debout , mais sans voix
Lorsque la coque plie au redoutable rail

Que la tempête forge au flot qu'elle soudoie.
Le grand cercueil mouvant et son morne attirail
Au cimetière tombe, épave qui tournoie.

L'équipage n'est plus qu'un caravanserail
De corps meurtri et d'os que guette le lamproie.
Le soir n'a pas d'adieux en serrant son tramail

A l'heure où le soleil sournoisement flamboie.

Luc Bertal