retour à la liste - Didier Meral 

 

 

Rêveries marines

 

Longtemps j’ai voyagé sur de frêles esquifs,
Erré dans le désert des solitudes mornes,
Ecorché mes remords sur les noirs récifs
Des espoirs que l’ennui chaque soir écorne…

La nuit souvent, de sa tendre promesse,
Assoupit mes sens en étendant son voile,
Sous mon regard plaintif elle dit une messe,
Une homélie légère que la lune dévoile

 

Morphée me souffle alors un songe étrange
Et envoûtant, peuplé de chimères marines,
De gouffres, de gorgones ,de lueurs orange…
Des senteurs anisées taquinent ma narine,

Et tel l’ oiseau blanc qui se joue des nuages
Vers des îles lointaines je me laisse emporter
Là, dans le lit du vent, des mouettes volages
De belles goélettes paraissent escorter !

Trois mats qu’un des Titans tailla de sa main forte
Une forêt de voiles arrondies mais véloces,
Arborent fièrement, portées par la cohorte
Des haubans lisses et hauts, hissés par des molosses !

Tel un habit de fête, une belle latine,
Par un gabier altier drapée de doux atours
Offre son galbe pur d’exquise brigantine
Au vent qui la caresse et qui se fait velours


L’aurique voilure, aux ocres enroulée,
Parait une soierie finement ourlée d’or
Et l’horizon drapé se répand en coulée
Sur l’artimon cambré que l’aurore mordore

Magie et parfums des îles enchanteresses
Imprègnent ponts de chêne et bois de cales
Et trônent encore d’antiques forteresses
Dont on devine au loin les ombres monacales

Dans le sillage marbré par l’argent et l’albâtre
La traîne d’une Ophélie sur l’onde valse et luit,
Doucement vient s’ébattre en l’écume folâtre
L’immense goéland que sa blancheur séduit

Dieu qu’il est loin le temps des goélettes
Des bricks, des galions, des cotres et brigantins
Des dames sur les quais qui levaient leurs voilettes
Pour voir s’éloigner beauprés et tourmentins !

Où sont donc les géants de la marine à voile
Ailleurs que dans nos rêves ou nos doux souvenirs ?
Les rivages sont vides, et dorment les étoiles,
Sur les flots silencieux je voudrais un navire ! 

Didier Meral     sept. 2004

Un Sospiro - Franz Liszt (1811-1886)

 

 

La copie des  poèmes de Didier Meral ou d'autres auteurs sur ce site

à des fins commerciales est interdite.