Zen

Un soir de solitude et l’hiver à ma porte,
Je conçus le dessein d’enfin changer de vie.
Je me dis, « Enfin Charles, que le diable t’emporte
Si ayant fait pitié tu ne fais plus envie. »

Et tout en comparant les acquits et l’inné ;
Posés comme jalons balisant ma carrière.
Je constatais, béat, que puisque j’étais né.
Il m’était impossible de faire marche arrière !

Et d’aller en avant, mollement il s’entend,
Car n’étant pas pressé de franchir l’Achéron ;
Je voulus me résoudre fuyant le contretemps
D’être enfin en amour, bien mieux qu’un aoûteron.

Le monde des plaisirs vaste et illusoire
Je le connaissais bien pour l’avoir pratiqué !
Je résolus alors manière collusoire
Qu’amour serait enfin plan bien pronostiqué.

Je me remis en lice. Les temps ayant changés.
Séduire et subjuguer avaient autres manières ,
Il me fallut penaud en actes mélangés,
Etre vil, fier à bras, pour sortir des ornières.

Car les ans, les passions, creusent toujours des rides
Aux cœurs trop aguerris pourtant bardés de bleus ;
Et n’ayant pas besoin de mouche cantharide
Il me fallait du neuf, du bandant, vertubleu !

Les novices en tout genres constituent jeunes cours,
A un théâtre d’ombres, de vertus, mais le pire ;
C’est qu’il faut, bien prudent, ménageant son discours,
Pour bien être entendu, parler pour ne rien dire.

Alors, comme Jésus au mont des oliviers,
Me vinrent tout un tas de fervents hédonistes
Qui me sacrant prophète me firent obvier
Le pourquoi du comment d’être trop attentiste.

9/12/2002

Illustration: Hasui Kawase - Kyozumi sous la neige