Pêche au gros !

Un jour, passant au bois, à heure pourtant due,
Dans un printemps précoce où perçaient les bourgeons ;
J’aperçus une femme appuyée, demi nue,
A un vieux marronnier dont elle semblait drageon.

Et comme elle me hélait en montrant sa chaussure
Qui était à talon coincée dans les pavés ;
Une bien grosse langue parût aux commissures
De sa bouche charnue au carmin délavé.

Faisant un geste pour, extraire l’escarpin,
J’avisai bien deux pieds, chacun dans leur bottine.
Et interrogatif regardait ce tapin
Sachant pêcher si fin, sans être cabotine.

Elle venait d’un pays où le soleil vous ambre
Plus la peau que l’esprit et sans être pervers,
Vous dote sans calcul d’un postérieur qui cambre
Bien naturellement, sans recours au dévers.

D’une voix de basson elle me dit qu’en principe
Son appât marchait bien et surtout qu’au printemps.
Les jeunes s’arrêtaient pour qu’elle les émancipe
En échange d’argent pour petit passe temps.

« Je suis, dis-je, on le voit, de tout autre stature
Me faisant ourtoisie, peut être contrition.
Mais qu’un homme à talons et dans cette posture
M’ait pris pour un ado, est une aberration !

- Nécessité fait Loi argua la barytone
Et faute d’innocence je cherche plus viril,
Et qu’importe après tout, viens, je te déboutonne
Puis me mets à genoux, c’est le premier Avril.

01/04/2002

Illustration: Affiche du film Talons Aiguilles de Pedro Almodovar