DERAISON


Il m’arrive parfois ma porte condamnée ,
De me livrer tout seul à des débordements .
Incongrus , malaisés , que mon âme damnée
Sans cesse me quémande , bien trop avidement .

Je sais qu’il ne faut pas , que ces étranges rites
Dans ce monde illusoire sont une perversion ;
Qui n’est pas prohibée certes , mais qui mérite
Un peu d’humanité , beaucoup de préhension .

Car se donner tout seul ce plaisir est étrange ,
Alors qu’existent ailleurs tant de complicités ;
Et cet isolement de l’esprit , seul dérange
Ceux qui souhaitent de moi , d’autres urbanités .

Je me complais béat dans cette déraison ,
Et je n’écoute rien de leur chant d’hélépoles .
Je persiste , opiniâtre , à clore ma maison ,
Pour entier me livrer à ce plaisir frivole .

Seul , dans cet univers , se munir de papier ;
Avec discernement , bien choisir une plume ,
Choisir avec amour un certain encrier ,
Pour épancher son soi , en vers que l’on pétune .

CS

 Illustration: INGRES, Oedipe et le Sphinx